CHAMPAGNE (géographie agraire)

CHAMPAGNE (géographie agraire)

CHAMPAGNE, géographie agraire

La géographie agraire s’est approprié des noms de régions naturelles (campagne de Caen, Champagne berrichonne) pour désigner les paysages ruraux caractérisés par des champs nus. On rencontre aussi plaine, champeigne, champs ouverts et, surtout, openfield. Ces paysages caractérisent des régions de plateaux crayeux ou calcaires comme la Beauce, la Brie, la Picardie, l’Artois, tandis que les dépressions argileuses contiguës sont des zones d’enclos (pays de Bray, Boulonnais, pays d’Auge). Le Brabant belge, les plateaux du bassin de Londres, les plaines de loess de l’Allemagne moyenne portent aussi de vastes campagnes. Des secteurs de champs ouverts existent en plein bocage, s’étendant sur quelques centaines d’hectares seulement: méjous en Bretagne, gaigneries de Vendée ou du pays nantais.

L’openfield se retrouve dans les pays chauds, par exemple chez les Sérer cultivateurs d’arachides du Sénégal. Dans tous les cas, les pays de champs ouverts sont actuellement des zones de culture prédominante, vis-à-vis de laquelle l’élevage tient peu de place. La présence de l’openfield ne préjuge pas de l’évolution agricole, car il correspond aussi bien à la grande culture céréalière qu’à la polyculture vivrière.

Un premier paysage de champs ouverts résulta de la juxtaposition de petites parcelles allongées. Le rapport longueur-largeur peut atteindre 15, donnant des lanières d’ordinaire exiguës. Ce laniérage est généralement attribué au surpeuplement des sols cultivables, notamment aux XII^e et XIII^e siècles, qui obligea les communautés à procéder à de multiples partages. Ces parcelles se disposent en alignements réguliers (openfield en lames de parquet), en ensembles dessinant des quartiers selon les axes rayonnants, ou de manière concentrique. En général, chaque agriculteur voit ses parcelles dispersées dans tout le finage, car autrefois ce dernier était divisé en soles avec rotation imposée des cultures (assolement triennal obligatoire en Lorraine).

Les campagnes du centre du Bassin parisien présentent un tout autre parcellaire. Les champs, rectangulaires, carrés ou en grands polygones, atteignent plusieurs centaines de mètres dans leur plus grande dimension. Souvent, ils ont été remembrés et sont groupés autour du siège d’exploitation. On a un réseau régulier de parcelles géantes ou moyennes (openfield mosaïque). Dans les openfields américains, un découpage géométrique rappelle le canevas d’arpentage établi lors de la Conquête de l’Ouest. Ces campagnes à grands champs sont, par excellence, vouées à la culture industrielle. Les spécialistes sont divisés pour expliquer l’origine de l’openfield qui n’est pas né, sans doute, d’un seul facteur. Selon les uns, il coïnciderait avec le développement de l’élevage, qui imposerait à la fois le droit de pâture pour tous, la garde du troupeau commun sur les friches et la fertilisation du champ par l’engrais animal. Selon les autres, cette orientation serait la conséquence d’institutions communautaires: propriété commune, travail commun (Angleterre médiévale) ou les deux. Une autre école avance des considérations ethniques. Les champs nus seraient la marque d’une civilisation agraire germanique inspirée de disciplines communautaires, tandis que la prédominance de l’enclos traduirait des influences individualistes latines, voire celtes.

Encyclopédie Universelle. 2012.